Tristan-Edern Vaquette, Je gagne toujours à la fin

Vaquette sera-t-il un jour ministre de la culture ? Passera-t-il chez Ardis­son ? Sera-t-il publié en Pléiade ? fera-t-il la couv des Inrocks ?

Infra­rougE ! Inclas­sablE ! Le pre­mier roman du pro­li­fique auteur Tristan-Edern Vaquette, (Prince du Bon Goût et de la Digres­sion sous toutes ses formes depuis plus de dix ans au royaume de l’underground), ne peut que deve­nir cultis­sime entre les mains révé­la­trices de son édi­teur le Diable V(ision)auvert qui, avec clair­voyance, s’écria au der­nier Salon du livre : je publie tou­jours Vaquette, à la fin.

Précis dans le pro­pos, liber­taire dans l’esprit, intré­pide dans la forme, rigolo et si nova­teur qu’il sus­ci­tera for­cé­ment l’envie chez les auteurs moins ico­no­clastes et l’enthousiasme révo­lu­tion­naire chez un nombre expo­nen­tiel de lec­teurs (la fré­quen­ta­tion de l’IndispensablE dandy ne rend-t-elle pas opti­miste quant aux espoirs qu’on peut pla­cer en nos contem­po­rains qui ne sont pas uni­que­ment “sin­cères mais bêtes”… ?), ce pavé punk fait la dif­fé­rence par sa grande classe et son degré d’exigence.

En cette ren­trée 2003, Vaquette vient rele­ver le niveau !

We can be heroes…

Ce livre aurait pu s’intituler “Ne mens jamais”, comme l’indique d’ailleurs son auteur, et ce titre aurait tout aussi bien convenu quant à son orien­ta­tion : de la réflexion au pas­sage à l’acte, le mes­sage est assumé. T-EV dit tout ce qu’on n’ose jamais dire. Liber­taire, amo­ral, il choi­sit pour cette aven­ture écrite, de se pla­cer dans la posi­tion dif­fi­cile du “contre et pour­tant pour”. On est spor­tif ou on ne l’est pas !

Jamais démago, l’IndispensablE dédi­cace au moins un cha­pitre à ses cama­rades alter­na­tifs rebelles qui chan­ge­ront tant le monde en étant bran­leurs, fumeurs de teu­teu à vingt ans, rmistes dès vingt-cinq, et employés smi­cards chez Bouygues ou La Poste après leur pre­mier gosse, mépri­sant tout de même leurs col­lègues, leurs patrons, parce que nous, on est pas comme eux, on est moins cons — la preuve.

L’intrigue, aux scènes d’action plus pal­pi­tantes qu’une par­tie d’Unreal Tour­na­ment à balles réelles, place Vaquette, le per­son­nage, pen­dant la Résis­tance en 1944. Phy­si­cien témé­raire, nature héroïque habi­tée d’un besoin d’excellence qui ne lui laisse aucun répit, Tristan-Edern, secondé par ses cama­rades Arté­mise et Bixente, met la fièvre aux nazis et aux col­la­bos pen­dant des heures. Puis il s’égare hors des sen­tiers sage­ment glo­rieux que lui réser­vait l’administration poli­ti­que­ment cor­recte, en refu­sant d’abdiquer la beauté de l’irrévérence.
Vois-tu, à moins que je ne vieillisse, que je ne tra­hisse ma nature, j’espère res­ter celui qui pense mal, et qui, mal­gré cela, rai­sonne bien.

Un livre ten­dan­cieux

Peut-on dire “paral­lè­le­ment” pour évo­quer la géo­mé­trie com­plexe des trames lit­té­raires pré­sentes dans ce roman ? Pas vrai­ment : digres­sions et inter­ludes, aver­tis­se­ments et ajouts, s’intercalent à la nar­ra­tion, se per­cutent, fusionnent puis explosent pour bien expo­ser, par exemple, la déses­pé­rante per­sis­tance des cen­seurs au fil des époques

Du pro­cès à la Libé­ra­tion de son ami l’Incroyable Jas­per en pam­phlé­taire sul­fu­reux, “contre tout, contre tous et tout le temps”, à la défense concrè­te­ment actuelle de Costes le mau­dit, le Colo­nel Vaquette, Dr ès Amo­ra­lité, saute d’Evil Skin à Mela­nie, évoque Léon Bloy et les Wam­pas pour bran­dir l’étendard rouge et noir de la sub­ver­sion à la fran­çaise. Brillant choix que le tri­bu­nal pour expo­ser un mani­feste, défendre ses valeurs, don­ner la mesure de son ambi­tion, pro­vo­quer au péril de sa vie. Vaquette ne se ménage jamais : il traque de tout son être la somme d’individuelles lâche­tés qui fait la société fon­da­men­ta­le­ment réac­tion­naire.

Vaquette sera-t-il un jour ministre de la culture ?

Passera-t-il chez Ardis­son ? Sera-t-il publié en Pléiade ? fera-t-il la couv des Inrocks ? Au risque de figu­rer dans la liste des hagio­graphes, je gage que le mythe Vaquet­tien est en phase ascen­dante, et que l’InévitablE suc­cès de ce roman qui inflé­chira sa tra­jec­toire de la marge vers le centre de toutes les atten­tions n’a aucune chance de cor­rompre un tra­shi­lo­sophe aussi allumé.

Tout est jeu, aussi, jouons, et tout est vanité, aussi… frimons.

stig legrand

   
 

Tristan-Edern Vaquette, Je gagne tou­jours à la fin, Au Diable Vau­vert, sep­tembre 2003, 356 p — 20,00 €.

 
     

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